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Autonomiser les femmes grâce au développement du tourisme

 

 

Un nouveau son peut être entendu dans la forêt tropicale du Nord Congo : le tintement des tasses et des couverts du nouveau restaurant de Saida Nola. « Maman Saida », comme on l’appelle affectueusement dans le village de Bomassa, a ouvert son restaurant, « La Main de Dieu », sur les rives de la Sangha en janvier 2019. À l’époque, c’était le premier véritable endroit où les gens pouvaient trouver un repas dans le village en dehors de leurs maisons.

Maman Saida, fière propriétaire de l’un des seuls restaurants de Bomassa, un village isolé à l’entrée du Parc National de Nouabalé-Ndoki, en République du Congo ©N.Radford/WCS

« J’ai remarqué que les pêcheurs qui remontent et descendent la rivière s’arrêtaient pour la nuit dans le village, mais qu’ils avaient du mal à trouver quelque chose à manger. J’ai vu une opportunité et j’ai décidé d’innover », se souvient Saïda.

Deux ans plus tard, les gens font la queue pour obtenir une place dans ce restaurant confortable de 12 places.

« Souvent, je suis tellement occupée que dès qu’un client termine son repas, un autre est là, attendant de prendre sa place ! ».

De nombreux clients de Saïda sont les employés de la Wildlife Conservation Society (WCS) qui travaillent au siège du Parc National de Nouabalé-Ndoki, à quelques pas du village. La WCS collabore avec l’Agence américaine pour le développement international (USAID) depuis près de trois décennies pour œuvrer à la protection à long terme de la faune et des lieux sauvages, en s’engageant auprès des communautés. Aujourd’hui, la WCS travaille à la protection de la biodiversité du Parc par le biais d’un partenariat public-privé avec le gouvernement congolais.

Avec plus d’un million d’acres, le Parc est l’une des plus grandes zones de forêt tropicale humide intacte qui subsiste dans le bassin du Congo. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012, il constitue un remarquable refuge pour les espèces menacées de la forêt tropicale, comme les gorilles des plaines de l’Ouest et les éléphants de forêt, au cœur d’une région victime du braconnage et de la perte d’habitat.

« J’avais l’habitude de faire du pain, mais il était difficile de développer mon activité », raconte Saida. « J’ai démarré le restaurant lentement. Au début, je proposais juste du poulet grillé au barbecue, avec des places assises à l’extérieur ».

Au milieu de l’année 2020, en tant que membre de l’Association des Femmes Unies pour la Biodiversité à Bomassa (AFUBB), elle a été approchée par le Parc avec une nouvelle opportunité de renforcement des capacités.

La WCS et USAID venaient de s’engager dans une collaboration visant à aider le parc à développer son potentiel touristique. Dans le cadre de ce partenariat, la WCS et USAID ont organisé une formation de deux semaines aux métiers de l’hospitalité, dans un hôtel/restaurant d’une petite ville voisine. Cette formation a amélioré la capacité de la population locale à tirer parti de l’expansion future du secteur du tourisme.

Avec l’aide de l’Association des Femmes Unies pour la Biodiversité de Bomassa, Maman Saida a pu ouvrir un restaurant de 12 places, et elle prévoit de s’agrandir ©N.Radford/WCS

« La formation m’a ouvert les yeux sur de nouvelles possibilités. Je me suis dit : pourquoi ne puis-je pas faire cela à Bomassa ? Ça m’a donné la confiance nécessaire pour développer et améliorer mon restaurant », explique Saida.

L’Association des Femmes a joué un rôle clé dans son soutien, notamment en lui donnant accès à un plan d’épargne qui lui a permis de dégager suffisamment d’argent pour construire un véritable restaurant pour ses clients. Ses voisins se sont mobilisés pour l’aider à acheter des tables, des chaises et des couverts et, en août 2020, le restaurant a rouvert ses portes sous les acclamations.

« Le restaurant est devenu plus qu’un simple endroit où manger. Les gens viennent ici de tout le village pour s’asseoir et discuter. C’est devenu un véritable lieu de rencontre pour la communauté », a déclaré Saida

Dans une culture où les femmes sont souvent limitées à des rôles traditionnels, Saida est un modèle pour un avenir meilleur. Elle incite même certains de ses clients à essayer des aliments qu’ils n’ont jamais mangés auparavant.

« Ce restaurant m’a donné un nom, un statut; au sein de la communauté », dit-elle. « Beaucoup de mes jeunes clients mangent des légumes pour la première fois – et ils aiment ça ! ».

L’Association des Femmes Unies pour la Biodiversité à Bomassa a été créée en 2017 par un groupe de femmes locales avec le soutien de WCS et d’USAID. Elle est désormais devenue un moteur pour la réussite des femmes locales.

« Cela a créé une véritable attitude entreprenariale dans le village », explique Parfait Bakabana, responsable du développement communautaire du parc. « La structure de l’association permet aux femmes de s’apporter un grand soutien mutuel, en partageant des idées, des projets, et même leurs finances par le biais d’un groupe d’épargne Likelemba. »

« Likelemba » est un mot en lingala qui décrit un groupe d’épargne communautaire. Chaque groupe compte de 3 à 50 membres qui effectuent des dépôts mensuels, et les membres effectuent des retraits à tour de rôle. Dans une culture où beaucoup gèrent leurs finances au jour le jour, ce système permet des injections de capital essentielles à des moments critiques de la vie des gens.

Aujourd’hui, le restaurant de Saida fournit chaque jour de délicieux repas à des dizaines de clients satisfaits. Mais il a également apporté à sa famille un sentiment de sécurité financière longtemps recherché. Elle et son mari, un employé du parc, se sentent maintenant beaucoup plus confiants pour l’avenir de leurs huit enfants, dont la moitié sont encore étudiants.

« Le restaurant est occupé en permanence, et l’argent rentre régulièrement. Cela nous aide à gérer nos finances tout au long du mois. »

L’histoire de Saida est celle d’une autonomisation et d’un changement durable créés par des partenariats à long terme entre USAID, la WCS, le gouvernement congolais, le Parc et les communautés locales. Et son voyage est loin d’être terminé puisque le Parc a pour objectif d’attirer de plus en plus de touristes au cours des prochaines années. Jusqu’à 15 % du budget du Parc pourrait bientôt provenir du tourisme, avec des recettes touristiques multipliées par 30 au profit des communautés locales ; un camping géré par la communauté et deux lodges haut de gamme seront bientôt construits à l’entrée du parc.

« J’aimerais signer un contrat pour fournir des services de restauration au Parc ou même au nouveau lodge qu’ils prévoient de construire à Mombongo », déclare Saida.

Maman Saida, fière restauratrice et entrepreneuse prospère, prévoit de continuer à développer son restaurant. Elle veut investir dans un réfrigérateur pour pouvoir proposer une plus grande variété de plats et augmenter le nombre de tables ; et sa grande ambition est de pouvoir embaucher du personnel pour l’aider dans son entreprise florissante.

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