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Qui est Marcel Ngangoue, lauréat du prix des rangers africains ?

Marcel Ngangoue a remporté le Prix des Rangers Africains 2019, qui reconnaît et soutient les réalisations et les efforts des gardes forestiers qui luttent contre le déclin précipité des espèces sauvages d’Afrique dû au braconnage, à la perte d’habitat et au commerce illicite des espèces sauvages.

Marcel a débuté sa carrière au Parc National de Nouabalé-Ndoki en tant qu’adjoint au directeur du parc, puis premier responsable de la lutte contre le braconnage pour le Projet de gestion des écosystèmes périphériques du PNNN (PROGEPP). A partir de 1998, son travail s’est étendu aux concessions de Kabo, Loundougou et Pokola pour la lutte anti-braconnage et la sécurité des zones tampon du Parc. Après avoir travaillé comme responsable de la lutte contre le braconnage avec WCS au PROGEPP, il a perfectionné ses connaissances à l’école de faune sauvage de Garoua au Cameroun pendant 2 ans. A son retour, il a été nommé à l’Unité Spéciale Anti-Braconnage (USLAB) de la concession Betou-Missa au nord du PNNN. Il est revenu au Parc en 2015 en tant que conservateur du parc.

Pourquoi avoir choisi de vous lancer dans une carrière d’écogarde ?

Mon père était bûcheron. Depuis mon enfance, je savais que je voulais travailler en foresterie. J’ai eu l’occasion de fréquenter l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts, où j’ai appris toute la chaîne de l’exploitation forestière, depuis la stratification, le comptage, le tri, l’abattage, le marquage, la coupe et l’évacuation. Au cours de mes études dans l’industrie du bois, j’ai été initié au domaine de la conservation. Ma passion a toujours été la gestion des aires protégées, mais après avoir obtenu mon diplôme de l’école de faune de Garoua au Cameroun, j’ai découvert mon amour pour la protection des animaux sauvages. Je me suis rendu compte qu’ils étaient excessivement massacrés par les hommes, et à partir de ce moment, je me suis engagé pour la durabilité des espèces protégées.

Dans un monde où la croissance démographique va de pair avec la demande d'espace, une aire protégée est une oasis.

En quoi consiste votre travail?

Travailler à la conservation d’une aire protégée est une responsabilité exigeante, car je dois me concentrer à la fois sur l’amélioration du bien-être de la nature et de la population locale. Le plus important est de se rappeler ce qu’était l’aire protégée et de conserver une vision à long terme de ce qu’elle peut devenir. Ce n’est pas une tâche facile. Dans un monde où la croissance démographique va de pair avec la demande d’espace, une aire protégée est une oasis. Je suis responsable d’assurer l’équilibre entre la conservation et la mise en valeur des ressources. Mon travail va du maintien de bonnes relations avec les populations locales à l’accueil des touristes, en passant par la planification de projets et le suivi des espèces protégées.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans votre lutte contre le braconnage ?

Ndoki est l’une des forêts primaires du monde qui n’a jamais été exploitée ou habitée. Il fait partie du Tri-National de la Sangha, un site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Protéger Ndoki est de plus en plus difficile, car les braconniers appliquent des modes opératoires très complexes et utilisent des armes militaires.

En 1996, au tout début de ma carrière de conservateur, alors que je travaillais comme conservateur adjoint pour le secteur Est du Parc national de Nouabalé-Ndoki, nous menions une patrouille de terrain dans le Nord-Est du parc. Nous nous sommes heurtés à une embuscade, suivie d’un échange de tirs entre les braconniers et notre équipe. Heureusement, personne n’a été blessé, malgré le fait que le groupe de braconniers était plus important et mieux armé que nous.

Aujourd’hui, grâce à la bonne gestion de la Fondation Nouabalé-Ndoki, un partenariat public-privé entre WCS et le gouvernement congolais, la population d’éléphants reste stable depuis 2006.

Protéger Ndoki est de plus en plus difficile, car les braconniers appliquent des modes opératoires très complexes et utilisent des armes militaires.

Quelle a été l’expérience la plus émouvante de votre carrière ?

En 2016, après des mois d’enquête appuyée par les forces de l’ordre, nos équipes ont repéré le chef de l’un des plus grands gangs de braconniers de la région, Castro, lors d’une chasse. Il a été arrêté et condamné à 3 ans de prison. Mais alors qu’il était transféré en prison, il a réussi à s’échapper de la police et a disparu sans jamais purger sa peine. Castro était toujours en fuite, s’emparant de l’ivoire et les vols à main armée avec sa nouvelle bande, l’effrayant « Guyvanho », étaient encore fréquents. Nous l’avons arrêté de nouveau en 2017 et il a été condamné à 5 ans de prison. Cependant il a été relâché au bout d’une semaine et est retourné dans le parc pour continuer son activité de braconnier. En mai 2019, son groupe a tiré sur une mission mixte d’application de la loi et d’écogardes. Un lieutenant de police a été grièvement blessé et une écogarde du parc national a été blessée. Enfin, Castro a été arrêté en juillet 2019. Nous espérons que cette fois, il purgera sa peine au complet.

Ma dernière expérience douloureuse a été la mort d’un de mes éco-gardes en 2018. C’était lors d’une mission de patrouille au sud du parc national de Nouabalé-Ndoki, dans la zone périphérique. Il a quitté sa tente pendant la nuit et a été mordu par un serpent. Il n’a pas survécu à la morsure.

Un écogarde salue Marcel Ngangoue. Crédit : Jeff Morey / WCS

Que signifie le Prix des Rangers Africains pour vous ?

Après 23 ans d’exercice comme gardien de la forêt, le prix African Rangers Award vient couronner ce travail.  Il est pour moi symbole de reconnaissance, de valorisation et d’espoir pour les hommes et femmes qui défendent la nature.

Je lance un appel à la génération future de rangers qui prendra le relai sur la protection des aires protégées : soyez passionnés, ayez confiance en vous, car le soleil s’élèvera. Je sais bien l’insuffisance de la réglementation nationale et le manque de valorisation du métier d’éco-gardes. J’exhorte le gouvernement à continuer d’encourager et de promouvoir les formations et le développement d’une gestion des éco-gardes en partenariat international, pour une meilleure visibilité de ce métier si noble.

Pour les nouveaux éco-gardes je dis : mettons-nous tous en rang pour les batailles futures, nous allons vaincre pour ces idéaux de conservation.

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