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Zoonoses : prévenir les épidémies par un suivi de la mortalité faunique

Depuis plus de 14 ans,  le programme santé de la faune sauvage (WHP) implémenté par WCS en partenariat avec le Laboratoire National du Ministère de la Santé congolais, travaille pour assurer le suivi de la mortalité faunique et minimiser les risques de transmission de maladies aux communautés. Le projet assure la sensibilisation des communautés du nord du Congo et a mis en place un système d’alerte rapide couvrant plus de 30,000 km2 en cas de mortalité faunique inexpliquée.

Collecting samples from a carcass around Mondika.

Comme nous l’ont violemment rappelé les épidémies d’Ebola en Afrique de l’Ouest et en République Démocratique du Congo ces dernières années, et actuellement celle du COVID-19, les virus zoonotiques peuvent coûter de nombreuses vies humaines et amener certaines populations d’espèces de faune déjà menacées au bord de l’extinction. En République du Congo par exemple, la dernière épidémie d’Ebola en 2005 a atteint un taux de mortalité humaine de 80%, avec 10 morts comptabilisés, auxquels s’est ajoutée la mort de 5000 grands singes dans un rayon de 40 kms dans la réserve de Lossi. Le taux de mortalité a atteint 96% pour ce groupe d’espèces. Si les causes précises restent incertaines, les épidémies d’Ebola et celle du Covid-19 semblent trouver leur origine dans des sources animales infectées qui seraient entrées en contact avec les humains. La fièvre hémorragique Ebola (FHE) reste la principale cause du déclin des populations de gorilles et chimpanzés en Afrique, devant la chasse et la perte d’habitat. 

L’émergence d’épidémies zoonotiques, tel Ébola, implique souvent le contact entre les humains et les animaux infectés. Dans le Bassin du Congo, ce contact se traduit généralement par la manipulation de viande infectée.  Les chasseurs traditionnels,  ont été identifiés comme des acteurs clés dans le suivi et la surveillance des maladies zoonotiques dans de vastes étendues de forêt inhabitées car, ils sont les premiers à pouvoir localiser et signaler une carcasse suspecte ou des comportements inhabituels des animaux.

« Si nous voulons réellement localiser la mortalité animale de la faune sauvage, il faut impliquer les chasseurs traditionnels dans notre système de surveillance sanitaire. Ils sont les premiers à être en contact avec les animaux trouvés morts en forêt. » nous explique le Dr. Ondzie – Responsable du Programme Santé Faunique de WCS Congo.

Depuis 2006, l’équipe du Programme Santé Faunique (WHP), dirigée par le Dr. Alain Ondzie, vétérinaire, parcourt sans relâche les villages du nord du Congo pour sensibiliser les communautés sur les bonnes pratiques à adopter lors de la découverte de carcasses d’animaux sauvage en forêt. En 10 ans, les chasseurs de plus de 260 villages dans les départements de la Sangha, de la Cuvette, de la Cuvette Ouest et de la Likouala se sont engagés dans le programme. Pas moins de 6 660 chasseurs et des milliers de femmes et enfants connaissent maintenant les risques associés au contact avec des carcasses de mort inconnue. Autant de personnes qui aujourd’hui forment un réseau de surveillance couvrant plus de 30 000 km 2 de forêt dans le nord du Congo, zone abritant plus de 60% des gorilles du monde. Reculées, ces régions sont isolées des services de santé publique, ce qui fait de l’équipe du Dr Ondzie souvent la seule source régulière d’information sur Ebola pour ces communautés.

Dr. Ondzie raising awareness among the community of Libonga.

« Le message est simple : si vous trouvez une carcasse en forêt, ne jamais la toucher, ne jamais la déplacer, ne jamais l’enterrer, mais contactez les autorités locales et le service vétérinaire afin de déterminer la cause de la mortalité. », conseille le Dr. Ondzie.

Grâce à ce réseau, 58 carcasses ont déjà été signalées, analysées, et testées négativement au virus Ebola au laboratoire national de Brazzaville. L’Afrique centrale reste une région à hauts risques mais la République du Congo, qui abrite la plus grande population de gorille au monde, n’a pas connu d’épidémie depuis 2005. De plus, les visites de suivi et les conversations avec les chefs de village révèlent que les contacts risqués avec les carcasses d’animaux sauvages sont maintenant évités. 

 

Quand un chasseur signale une carcasse, l’équipe WHP parcourt parfois jusqu’à 200 km, souvent à pied en pleine forêt, pour collecter les échantillons à tester. Une fois l’échantillon collecté, il est envoyé au laboratoire national pour analyse tandis que l’équipe va dans le village renforcer le message sanitaire. Pour gagner en efficacité, l’équipe du programme santé forme aussi différents sites du Nord Congo à assurer un échantillonnage rapide et en toute sécurité. La formation est essentielle pour prélever des échantillons analysables, et plus important encore pour assurer la sécurité et la santé de tous. La formation s’étale sur deux a trois jours pendant lesquels Alain et son équipe montrent les procédures pour la collecte de ces échantillons. Engoncés dans des combinaisons de biosécurité Tyvex, les personnes formées s’exercent ensuite plusieurs heures à suivre ces mesures strictes. A la fin de ces formations, des kits d’échantillonnage sont laissés sur place pour que les équipes puissent dorénavant faire les échantillonnages directement. Cette année, 22 personnes des équipes de recherche WCS ont été formées à ces techniques grâce à l’appui du programme santé.

Mondika's research team is trained to collect carcass samples.

L’analyse est également une étape essentielle si le suivi des zoonoses se veut être efficace. Pour ce faire, le programme santé collabore avec le National Institute of Health américain, le et le Laboratoire National de Brazzaville. Par le passé, le temps d’analyse pouvait prendre plusieurs semaines. Il est maintenant réduit à deux jours grâce aux efforts des différents partenaires et aux nouvelles technologies disponibles. Cependant, les deux jours d’analyses n’incluent pas le temps nécessaires au transport des échantillons du nord du pays vers Brazzaville, ce qui rend le temps d’analyse encore trop longs lorsqu’il s’agit de maladie aussi grave qu’Ebola. WCS travaille donc actuellement sur la mise en œuvre d’un outil de diagnostic portatif qui permettrait de faire les analyses en temps réel, directement sur le site où se trouve la carcasse. Lorsque ce système sera finalisé et disponible, le temps d’accès aux résultats d’analyse pourra être réduit de plusieurs jours jours à une heure, permettant ainsi de mettre en place immédiatement des mesures de sécurité nécessaires en cas de résultats positif.

L’épidémie actuelle de coronavirus nous rappelle avec acuité la nécessité d’avoir des réseaux  de suivi et d’alerte en place, pour les maladies émergentes et aux zoonoses. Ces forêts isolées et les communautés qui en dépendent sont parmi les plus vulnérables à une future épidémie de zoonoses : en première ligne de l’interface homme-faune-écosystème, et pourtant avec un accès des plus pauvres aux infrastructures de santé publique. Le programme santé faunique de WCS et ses partenaires s’engagent quotidiennement pour assurer la bonne mise en œuvre des systèmes d’alerte dans ces zones reculées, pour détecter efficacement les zoonoses connues ou non, et protéger les communautés vulnérables et la biodiversité. Ce travail est possible grâce au soutien de nos partenaires techniques et financiers qui nous permettent d’assurer la pérennité de nos actions sur le terrain.

2 Comments
  • Bob Roméo MAMPAKA
    Répondre

    Je vous félicite pour se travail et votre stratégie avec les relais communautaires est très tactique…

    octobre 28, 2022 at 4:36
  • Bob Roméo MAMPAKA
    Répondre

    C’est un programme très excellent… Qui même pourrait conduire à un inventaire des zoonoses prioritaires.

    décembre 20, 2022 at 9:55

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